[LIEU] Maison locale des Amazones (ancienne guilde)

[Léonie]

Léonie avait souri à l'exclamation indignée de la jeune Ash. Elle avait réussi le test haut la main. Bien sûr, si elle avait accepté les 50 pièces d'or, Léonie l'aurait payée. Mais la petite avait refusé. Et cala n'avait pas de prix. La noblesse de cœur existait encore et cela réchauffait le sien.

- Alors, c'est entendu, je vous paierai en instruction. Je suis... j'étais la Maîtresse d'arme en dague, je pourrai peut-être vous apprendre quelques tours. Entre autres choses.

Elle regardait Ash engloutir ses biscuits avec un plaisir depuis longtemps oublié. Hastur gémissait à ses pieds, comme s il n'avait rien mangé depuis six mois . Absolument pathétique. Léonie lui lança un bout de gâteau, qu'il avala tout rond avec un air béat.

- Oui, excusez-moi, répondit-elle à la question de la jeune femme, votre présence me fait revenir aux termes familiers. Ce n'est pas un patois local, c'est la langue de la guilde. Cela nous permet de savoir en tout lieu si une femme est des nôtres. Chiya, c'est le terme affectueux que l'on donne aux plus jeunes que soi. Un peu comme "ma fille", si vous voulez. Le masculin est chiyu. Des bredas sont des femmes qui prêtent un serment d'amour et de protection mutuelle, cela signifie à la fois sœur, amie, chérie, amante. Et le tha' est un terme statutaire désignant le caractère assermenté d'un lien. Par exemple, une tha'shiya est une fille de serment, et la Tha'Ima est la matriarche d'une Maison : toutes les femmes sont ses tha'shiyas, soit directement, soit indirectement.

Elle donna une petite tape sur le museau d'Hastur, qui tentait d'atteindre l'assiette de biscuits. Le chien soupira et se coucha, la tête sur les pattes, surveillant tous les mouvements des deux femmes - ou plutôt de leurs mains à gâteau...

- Avec un enfant, on va combiner breda et chiya, pour marquer à la fois le lien émotionnel et l'asymétrie de la relation, poursuivit-elle. Cela donnera brediya ou brediyu. Cela peut aussi être un petit nom entre amoureux.

Elle rit.

- Mais je parle trop. Je n'ai plus l'habitude. Allez vous coucher, chiya. Demain, nous visiterons le reste de la guilde.

[Zashera Drak]

Ash tenta de mémoriser les différentes appellations et leurs significations mais ne retint pas tout.

Une famille de cœur qui a son propre langage. C'est beau. Cela montre la force du lien malgré des origines différentes... Elle soupira. Ma main a coupé que ce n'est jamais arrivé chez les Drak...

Lorsque Léonie proposa de mettre un terme à la conversation, bien qu'elle fut agréable, Ash ne put la contredire. Sa longue journée de marche depuis la dernière auberge qu'elle avait occupé se rappelait à elle. Elle se leva donc, essuya du tranchant de la main les miettes éparpillées sur la table puis - voyant que le tas de biscuits n'avait guère diminué malgré sa gourmandise - elle en prit quelques uns pour un éventuel encas nocturne.

- Merci encore Léonie. Passez une bonne nuit, à demain.

Elle la salua d'un geste de la tête puis remonta dans la chambre. Elle retira ses bottes et se hissa dans le hamac. Sa cape lui servit de couverture et son sac d'oreiller. Grignotant un dernier gâteau, elle ferma les yeux et s'endormit presque instantanément d'un sommeil profond.

[Léonie]

Léonie s'était levée tôt, au lieu de traîner au lit comme trop souvent ces dernières années. Elle avait préparé un khla bien corsé, mis de la crème à chauffer doucement et préparé une brioche aux zestes d'agrumes et aux noisettes. Elle avait ensuite entrepris de nettoyer à fond la cuisine, les couloirs et un ou deux petits salons. Elle tentait de ne pas faire trop de bruit, pour ne pas réveiller son invitée, qui était sans doute fatiguée. Hastur la suivait partout en poussant des petits bruits mi-plaintifs, mi-excités.

- Tu te demandes ce qui m'arrive, hein, mon beau ? chuchota-t-elle en lui grattouillant les oreilles au passage. Mais tu n'es pas obligé de venir avec moi, tu sais. Il faut que je rende la Maison présentable.

Elle ouvrit la porte qui donnait sur le jardin. Il faisait un beau soleil radieux, même si le temps était frisquet. Le printemps commençait à pointer son nez. Les légumes perpétuels avait fait leur réapparition, fidèles au poste, et le romarin était en fleurs. Les mains sur les hanches, elle jeta sur l'ensemble un regard satisfait. Elle était assez fière de la manière dont elle réussissait à entretenir le jardin de simples et d'aromatiques. Cela faisait partie des quelques ressources qu'elle tirait encore de ce lieu, avec l'élevage des petits rapaces et l'hébergement des chevaux de passage.

- Qu'en dis-tu, Hastur ? C'est plutôt beau, chez nous, non ?

Un Woof ! enthousiaste lui répondit.

- Je suis bien d'accord avec toi ! Qu'est-ce qu'on a besoin d'aller courir l'aventure pour retrouver les autres ? Il faut plutôt que nous trouvions un moyen de faire quelque chose de cet endroit. Un "quelque chose" qui inclut du passage. Il faut que je réfléchisse.

Elle se dirigea pensivement vers la volière. Là, elle avait quelque chose de précis à faire. Parce qu'elle avait eu une idée.

[Zashera Drak]

Une nouvelle odeur délicieuse vint lui titiller les narines. Il lui fallut quelques secondes après avoir ouvert les yeux pour se remémorer où elle était.

Ah oui... Léonie... Les Amazones...

La nuit avait été réparatrice. Même si elle avait occupé son hamac et non un lit douillet, dormir à l'abri lui avait fait du bien. Elle se leva et réalisa qu'elle s'était endormit avec son "armure" de cuir. Bien qu' "armure" n'était sûrement pas le terme adéquat. Il s'agissait surtout de différentes pièces de protection comme des genouillères, coudières etc. Elle retira le tout pour ne garder que ses vêtements (pantalon et chemise), remonta ses manches, enfila ses bottes, noua ses cheveux en queue de cheval et prit quelques instants pour s'étirer de la tête au pied.

Quittant la pièce, elle se rendit au rez-de-chaussée et s'aperçut que le ménage avait déjà bien été attaqué. Elle soupira, à moitié amusée, avant de chercher Léonie. Elle l'aperçut dans l'encadrement de la porte qui menait au jardin et l'interpella sans préambule.

- Dites donc, on avait pas convenu que c'était à moi de faire le ménage ? Le rez-de-chaussée est déjà quasi terminé !

Elle s'accroupit devant Hastur pour lui faire quelques papouilles.

[Léonie]

Non mais je rêve ? Elle me passe un savon, la gamine ?

Léonie se retourna en riant.

- Ne vous inquiétez pas, il vous reste de quoi vous occuper sainement pendant des mois ! répliqua-t-elle. Mais je ne réussissais pas à dormir, alors je n'allais quand même pas rester au lit avec une bouillotte et une tisane comme une vieille dondon de la haute ! Avez-vous bien dormi, chiya ? Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais Hastur est allé monter la garde devant votre porte... Il prend son rôle d'hôte très au sérieux, mon Bébéchien !

Le Bébéchien en question arborait une mine ravie, tous ses zygomatiques en fonction, battant de la queue comme s'il se découvrait une vocation de balayette.

[Zashera Drak]

Ash fronça les sourcils, elle doutait de l'explication de l'insomnie mais ne chercha pas à creuser la question plus avant.

- Très bien dormi merci. Un sommeil profond, sans rêves, comme je les aime.

Elle papouillait le chien qui semblait enthousiaste.

- Alors comme ça tu veillais sur moi ? C'est gentil mon grand, mais je suis une grande fille ne t'inquiètes pas.

Flattant la tête du chien, elle lui fit un bisou sur la truffe. Ses sens plus éveillés que la veille, elle sentit l'odeur du cabot ce qui la fit d'abord grimacer puis rire intérieurement.

Je crois qu'il n'y a pas que la maison qui va avoir besoin d'un bon coup de propre.

La jeune femme se redressa et s'approcha de Léonie pour observer le jardin. Malgré la fraicheur de ce printemps timide, des légumes et autres herbes aromatiques fourmillaient dans le jardin. Elle fut impressionnée par les talents de jardinières de son hôte.

- Et bien voilà une première compétence que vous pourriez m'enseigner : le jardinage. Bien que mon cas soit sans doute sans espoir. Je n'ai pas la main verte...

Involontairement, elle pensa à sa main droite recouverte d'écailles qui tiraient sur le vert et regarda ses doigts.

- Enfin, vous voyez ce que je veux dire...

[Léonie]

La vieille femme regarda les mains de la plus jeune avec un petit sourire amusé.

- Elle me semble bien verte et bien pratique, cette main, au contraire, chiya. Vous mettez tout ça dans un gant adapté, et c'est comme si vous aviez un plantoir sans le moindre besoin d'outil ! Quelque chose me dit qu'on vous a fait ressentir vos particularités comme une disgrâce, alors qu'elles peuvent tourner à votre avantage, si vous les connaissez bien. A la guilde, j'ai appris qu'il n'y avait pas d'anomalies, juste des différences. Pour le jardinage, en tout cas, j'aimerais bien avoir vos mains, cela m'éviterait bien des problèmes avec mes amies les ronces et les orties...

Elle couva d'un regard amoureux le jardin qui faisait sa fierté.

- Si cela vous dit, je peux vous apprendre tout ça, bien sûr. Même si je suis herboriste et non jardinière. J'ai appris le jardinage par nécessité, parce qu'il n'y avait plus personne pour s'en occuper à ma place. Mais j'aime ça : quand j'ai les mains dans la terre, que je plante, que je désherbe, c'est comme si les soucis disparaissaient... enfin, sauf les soucis-fleurs, évidemment !

Elle rit.

- Mais nous verrons cela quand vous aurez rempli ce petit estomac tout raplapla, jeune fille. Je ne sais pas trop ce que vous mangez le matin, alors j'ai un peu boulangé, pour que vous ayez le choix. Il y a de la brioche, du pain encore tout chaud, et du pain d'hier grillé. Et j'ai préparé du khla. C'est une boisson revigorante au goût un peu boisé. On peut le boire pur, ou avec de la crème. Et j'ai du miel de mes ruches pour le sucrer.

Son estomac gargouilla.

- Et je crois bien que je vais vous accompagner, même si j'ai déjà grignoté ce matin. Ensuite, si vous le voulez, nous visiterons les écuries, les salles d'entrainement, et la volière. Votre présence ici...

Elle hésita.

- Votre présence me secoue les puces, conclut-elle. Je pense qu'on peut dire ça comme ça. C'est dur de garder sa détermination quand on n'a personne pour quoi se démener. Je me suis laissée aller. Et comme vous ne resterez pas, cela veut dire que je dois trouver un moyen de faire revivre ce lieu. Je suis sure que vous pourrez m'aider à trouver des idées.

[Zashera Drak]

Ash observa sa main d'un œil perplexe.

- Il est vrai que je n’avais imaginé ma main comme un outils de jardinage intégré. Dit-elle amusée. La contrepartie, il ne faut pas que je me trompe de main quand je veux me gratter le nez, ça peut-être dangereux !

Elle enviait cette capacité à se vider l'esprit en se lançant à corps perdu dans un loisir. Jamais elle n'avait éprouvé ce genre de sensation. Elle resta pensive quelques instants mais fut tirée de ses pensées en écoutant les possibilités du petit déjeuner, son estomac gargouilla frénétiquement.

Il faudra faire attention, si je m'habitue trop à ses plats, je ne tolérerais plus mes rations de voyage insipides.

- Avec plaisir, mangeons et continuons la visite après.

Elle retourna à l'intérieur et s'adressa à Léonie.

- Et je comprends cette lassitude quand on est seule. Comment se motiver à mitonner un bon petit plat quand on est seul... Ou se lancer dans des travaux quand personnes d'autres n'en profitera. Bref... Concernant d'éventuelles nouvelles activités de ce lieu, peut-être pourrait-il devenir officiellement un refuge/une auberge réservé aux voyageuses de passage qui n'ont pas envie d'être importunées ? Si j'avais eu connaissance de cette endroit en arrivant, je serai sans doute venue directement.

[Léonie]

Léonie accompagna Ash dans la cuisine et servit deux bols de Khla à la crème, tout en disposant sur la table la brioche, le pain grillé de la veille, le pain frais, le miel et quelques confitures de sa composition.

- Une auberge pour femmes, oui, c'est une idée, dit-elle pensivement. Je pensais aussi, peut-être, à une sorte de lieu pédagogique pour les enfants, qui ferait à la fois garderie et instruction. Les plantes, les oiseaux, tout ça. Bien sûr, il faudrait que j'engage quelqu'un, je ne pourrais pas tout faire moi-même. Mais ce serait agréable d'avoir de nouveau des femmes et des enfants ici. Et on ne manque pas de place, c'est certain.

Elle songea brièvement que, vu son âge, elle n'aurait peut-être jamais le temps de mettre tout ça en place, mais le simple projet suffisait à lui donner une énergie qu'elle n'avait pas éprouvé depuis des années.

- Je me sens un peu idiote, de ne pas avoir envisagé tout ça plus tôt. Je m'étais persuadée que j'étais mieux toute seule, à dresser des oiseaux, vendre du miel et des potions, vivoter tant bien que mal. Comme si c'était mes sœurs ou rien. Comme s'il n'y avait pas tout un monde, là, dehors.

Elle mordit de bon cœur dans une grosse tranche de pain généreusement arrosée de miel. Hastur la regardait avec des yeux de merlan frit. Elle lui lança un bout de brioche. Avec un soupir satisfait, elle se renversa sur son siège en finissant son khla.

- Quand vous aurez fini, chiya, je voudrais vous montrer quelque chose.

[Zashera Drak]

Ne connaissant pas le khla mais ayant un attrait certain pour les sucreries, Ash garnit sa boisson de crème et de miel. Elle attrapa également plusieurs tranches de brioche et de pain qu'elle recouvrait systématiquement de miel.

Il va falloir travailler dur pour compenser ce que tu dévores ma grande !

- C'est vraiment délicieux, ça faisait littéralement des années que je n'avais pas aussi bien mangé.

Elle écoutait avec attention l'idée de Léonie de transformer le lieu en garderie pédagogique pour les enfants. L'intérêt d'un tel projet était flagrant : éduquer les enfants dès le plus jeune âge pour leur apprendre à respecter et s'occuper de la nature. Mais cette idée lui causa un frisson désagréable. Ash n'avait pas du tout l’instinct maternel et voyait la marmaille comme une bande d'êtres chouineurs et braillards avec toujours un orifice en train de dégouliner. Pourtant, elle ne se permit aucun commentaire. C'était Léonie la maitresse des lieux et seul son avis importait.

Après ce petit déjeuner frugal, Ash s'étira les bras et lorsqu'il lui sembla que Léonie avait également terminé, elle ajouta.

- Merci pour le petit déjeuner. Et surtout, elle ajouta d'un air gêné, merci de l'avoir préparé alors que je dormais encore comme un loir...

Elle se racla la gorge.

- Bref, en tout cas je suis prête pour la suite de la visite !